Sociologie de la perversion narcissique. Sociogenèse, usages sociaux, pratiques de catégorisation et luttes de classement par Marc JOLY

Résumé

À travers quels processus une discrète notion de psychopathologie clinique, « perversion narcissique », a-t-elle donné naissance dans les années 2000-2010 à une nouvelle figure du conjoint violent – i. e. : le pervers narcissique qui détruit psychiquement sa partenaire en la manipulant, et qu’il importe non seulement de fuir, mais de tenir à distance après la séparation ? C’est la question à laquelle ce mémoire entend répondre. Trois grandes opérations de recherche ont été mises en œuvre. D’abord, une enquête sur la genèse de la catégorie et la trajectoire de son fondateur, Paul-Claude Racamier (1924-1996). Ensuite, un travail d’analyse textuelle permettant de saisir les modalités de circulation médiatique de la catégorie, en lien avec des pratiques et prises de position émanant du champ des professions « psy ». Enfin, l’étude détaillée d’une association de lutte contre la violence morale intrafamiliale. Sur ce terrain, et autour, différentes méthodes d’enquête ont été combinées (observation ethnographique, entretiens qualitatifs, questionnaire, analyse de document, étude de cas) pour illustrer la thèse suivante : sous les noms de « perversion narcissique », de « manipulation » ou de « harcèlement moral » a été identifiée et combattue une sociopathologie genrée, quelque chose comme une sociopathologie masculine de l’appropriation corporelle irrépressible mais illégitime. Cette thèse doit beaucoup au féminisme matérialiste, intégré dans le paradigme sociologique classique et articulé avec certains concepts psychanalytiques.

Membres du jury

Isabelle COUTANT, Directrice de recherche au CNRS, IRIS (EHESS)

Christine DÉTREZ, Professeure des universités, Centre Max Weber (ENS Lyon)

Laurent WILLEMEZ, Professeur des universités, PRINTEMPS (UVSQ/Université Paris-Saclay)

Émilie BILAND-CURINIER, Professeure des universités, CSO (Sciences Po)

Patrizia ROMITO, Professeure des universités, Università degli studi di Trieste

Garant :

Frédéric LEBARON,Professeur des universités, IDHES (ENS Paris-Saclay)