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Mathilde SEMPE, doctorante en troisième année au sein du laboratoire, nous parle de son sujet de thèse, ses envies et ses motivations.

« L’accompagnement social des ménages sans-domiciles hébergés en hôtel social en Ile-de-France »

Quel est ton sujet de thèse ? Où en es-tu ? 

J’ai commencé ma thèse en octobre 2019, elle est dirigée par Maryse Bresson et co-dirigée par un sociologue de l’université de Lorraine, Emmanuel Jovelin, qui sont tous les deux spécialistes des politiques sociales et du travail social. Je travaille sur des équipes sociales mobiles qui interviennent dans des lieux d’hébergement d’urgence pour familles sans-domicile. 

Ce sont des hôtels sociaux où l’on héberge des familles mono ou bi-parentales, normalement pour une mise à l’abri de courte durée, mais en réalité cela peut durer plusieurs années, parce que les familles ont souvent une situation administrative complexe. Les conditions de vie y sont difficiles, il y a des problèmes de promiscuité et d’insalubrité, et les familles déménagent souvent d’un hôtel à l’autre. 

Je voulais étudier ces lieux d'hébergement comme contexte d’intervention pour les professionnels dans le cadre d’équipes mobiles, c’est une forme d’intervention qui se développe dans l’idée d’aller vers des personnes qui sont isolées géographiquement ou socialement. Donc j’interroge tout ça : Est-ce que ça fonctionne ? Qu’est-ce que ça implique en termes d’organisation du travail ? De conditions de travail ? De relation à la personne ? quels sont les professionnels qui s’engagent dans ces équipes ? 

Et tu as déjà quelques pistes de réponses ?

Là, je termine mon terrain et je dois commencer la rédaction de ma thèse. Ce que je trouve important, et c’est aussi ce qui a motivé ma thèse, c’est qu’il y a beaucoup de personnes qui travaillent sur la précarité à travers la question de la réinsertion des personnes ou leur parcours de retour à l’emploi ou au logement. Et déjà dans ce parcours, l’hôtel social est un endroit assez invisible, mais en plus on ne réfléchit pas vraiment à ce que ça implique d’être un professionnel qui intervient auprès des gens dans ces lieux si précaires. Et ce que je vois comme le premier résultat de ma thèse, c’est qu’il y a vraiment une espèce de parallèle entre la hiérarchie du travail social et la hiérarchie de l’hébergement social. L'hôtel social est en bas dans cette hiérarchie, et c’est la même chose dans la hiérarchie des postes valorisés et des conditions de travail agréables. Donc, ce sont des travailleurs sociaux qui sont eux-mêmes dans des conditions de pénibilité assez importantes. Je pense que ce qui va ressortir, c’est qu’il faut réfléchir à l’évolution de la profession en parallèle de l’évolution des publics et des modes d'hébergement, parce que ce sont les lieux où vont intervenir les professionnels. 

Et c’est en décalage avec le fait qu’il y a des formations au travail social qui sont de plus en plus poussées et de plus en plus universitaires. Cela pose la question de l’adéquation entre l’universitarisation de la formation, l’augmentation des qualifications et les conditions de travail proposées. Ce qui explique pourquoi ce sont souvent des jeunes professionnels dans ces équipes souvent eux-mêmes descendants d’immigrés. Ceux qui acceptent ces conditions de travail, de mobilité, de salaire, ce sont des jeunes, souvent en formation ou en sortie de formation. Ils me disent souvent qu’ils sont là pour se former, parce qu’avec les primo-arrivants il y a toutes les problématiques : la scolarisation, la santé, l’accès aux papiers, l’accès à la culture, etc. Pour eux c’est vraiment un lieu d’apprentissage. Mais peu restent très longtemps. C’est compliqué d’y trouver une valorisation. Même si ça peut-être une forme d’intervention qui donne une certaine autonomie, par rapport au travail dans des foyers par exemple, qui sont très prenants. 
 

Où étaient ces équipes sur lesquelles tu as enquêtés ?

J’ai étudié principalement une équipe mobile en proche banlieue parisienne, j’ai fait une ethnographie de plusieurs mois. J’y suis allé deux jours par semaine pendant un an. J’ai fait des réunions de services, des visites à l'hôtel, des observations de journée de bureau aussi. Un peu de tout. Et après je suis allée voir une autre équipe en grande banlieue parisienne, pour comparer les deux équipes. Par exemple dans l’équipe de grande banlieue ils interviennent sur des secteurs géographiques, ce qui permet d’être mieux implanté localement. Et en ce moment je suis en train de rencontrer l’équipe de Paris pour compléter mes données. 

Et qu’est ce qui t’as donné envie de faire ça ? Pourquoi la sociologie du travail et la précarité ?

En master 1 je travaillais à MacDo pour payer mes études, j’avais fait mon mémoire là-dessus parce que je passais ma vie là-bas ! J’ai fait de la sociologie des organisations et du travail un peu par hasard dans ce contexte-là. Ça m'avait bien plu. Au début, je voulais travailler sur les parcours des publics dans l’hébergement parce que j’ai travaillé au Samusocial pendant un an et demi après mon master 2. Je savais qu’ils avaient d'énormes bases de données avec tout le parcours des individus depuis leur entrée dans l’hébergement d’urgence jusqu’à leur réinsertion. Mais je n’ai pas eu accès à ces données et je me suis réorientée vers un travail ethnographique.