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Lucile Belda, doctorante en troisième année au sein du laboratoire, nous parle de son sujet de thèse, ses envies et ses motivations.
« Devenir magistrat, socialisation et appropriation d’un ethos à l’Ecole Nationale de la Magistrature »
Est ce que tu peux me présenter ton sujet de thèse ? Ce sur quoi porte tes recherches ?
Je travaille sur l’Ecole Nationale de la Magistrature qui est à Bordeaux, que j’étudie par le prisme de la sociologie de l’éducation mais aussi de la sociologie des professions et des curricula. J’essaye de comprendre comment sont formés les magistrats (les futurs juges du judiciaire), comment ils sont sélectionnés, ce qu’on leur apprend, et comment se crée chez eux une identité professionnelle, dès le passage à l’école. Je les ai suivis pendant toute la durée de leur scolarité, aussi bien pendant les cours à l’école que quand ils étaient en stage. J’ai donc fait pas mal d’aller-retours à Bordeaux, même si ça a été un peu compliqué avec le Covid ! Beaucoup d’entretiens ont eu lieu par zoom, parce que tout était fermé mais aussi parce qu’à partir du printemps dernier, tous les élèves qu’on appelle « auditeurs de justice » sont partis en stage dans des tribunaux aux quatres coins de la France, alors, même pour eux, c’était beaucoup plus simple.
Et pourquoi as- tu choisis ce sujet ? Qu’est ce qui t’as plu ?
J’ai fait mon sujet de mémoire de M2 sur les magistrats détachés, c’est un sujet qu’on m’a proposé à l’époque, et que je ne connaissais pas du tout. J’aimais bien l’idée avoir une belle base de données quantitative et des données exhaustives, ce qui était le cas pour les magistrats détachés. Mes deux directeurs de thèses sont mes deux directeurs de mémoire de l’époque, Yoann Demoli et Laurent Willemez. Ils m’ont proposé de poursuivre en thèse sur l’ENM, c’était un sujet que j’avais déjà un peu approché dans les entretiens pour mon mémoire de M2. Et en M1 j’avais fait de la sociologie de l’éducation, donc c’était au croisement de tout ce que j’avais déjà fait.
Est ce que tu as déjà quelques résultats ?
Je suis en train de rédiger ma thèse donc c’est un peu le moment où je fais le bilan de tout ce que j’ai vu, c’est pas si facile de dégager des grandes lignes ! Le résultat quand même, c’est que c’est une école d’enfants de la classe moyenne supérieure voire classe supérieure, des enfants de professeurs, de cadres, de professions libérales… Ce n’est pas une école de la reproduction sociale au sens où c’est assez rare que ce soit des fils d’avocats ou des fils de magistrats. Par contre, c'est quand même des classes supérieures qui se reproduisent et qui atteignent une certaine place dans l’État, pour former une « noblesse d’Etat » au sens de Bourdieu. Cette école c’est aussi une manière d’assurer l’ascension sociale par la haute fonction publique : avec le concours, c’est l’assurance d’être dans le haut du panier et d’avoir une sécurité de l’emploi, à la différence par exemple, du barreau pour ceux qui veulent être avocats.
Toutefois, ils sont un peu dominés dans le champ de la haute fonction publique par rapport à quelqu’un qui sort de l’ENA, ils on une charge de travail immense, les tribunaux sont vraiment tout le temps en sous-effectif, pour une compensation financière moindre. Parce qu’il y a une juridicisation des conflits, beaucoup de choses passent par les tribunaux aujourd’hui alors que ce n’était pas forcément le cas avant. Les tribunaux sont vite surchargés, surtout dans les grandes villes.
Ce qui est particulièrement intéressant sur l’ENM, c’est que c’est à la fois une école d’élite et à la fois une école d’application professionnelle. Il y a ces deux dimensions qui se croisent tout au long de la scolarité. On essaye de leur inculquer une culture générale parce qu'ils sont quand même amenés à juger des gens, dans l’idée qu’ils sont loin de ne faire qu’appliquer le droit. Mais, en parallèle, on essaye d’en faire des magistrats opérationnels et efficaces le plus rapidement possible et ils se rendent compte de ce conflit très vite, entre ces deux traditions.
Et pourquoi as-tu eu envie de faire une thèse ?
Déjà, et ça peut paraître un peu superficiel mais dans un contexte de forte concurrence à l’Université ce détail a eu son importance, parce que j’avais l’opportunité avec l’ENS Cachan d’avoir un CDSN. Ensuite, et surtout, car j’aimais bien l’idée de pouvoir creuser un sujet sur trois ans et d’en sortir une réflexion globale. C’est assez confortable de faire le tour d’un sujet, c’est satisfaisant intellectuellement malgré malgré toutes les difficultés que cela pose.
Et là, tu es en troisième année de doctorat ? Qu’est ce que tu veux faire après ?
Oui, je suis en troisième année et je postule à des contrats d’ATER pour faire une quatrième année. J’espère finir ma thèse pendant cette quatrième année, sinon ce sera pendant la cinquième ! Quand j’aurais soutenu ma thèse, soit j’obtiens un poste rapidement à la fac, et tout va bien, soit je postulerai pour des postes de PRAG, en lycée, en prépa, j’ai quand même cette chance d’avoir pas mal de portes ouvertes parce que j’ai passé l’agrégation au cours de ma scolarité à l’ENS.