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Axelle PELTIER, doctorante en troisième année, nous raconte son parcours et son sujet de thèse.
"Mise en œuvre et réception des politiques d'insertion au prisme du genre : une comparaison inter-régionale (Île-de-France - Bruxelles-Capitale)"
Quel est ton sujet de thèse ?
Je travaille sur les politiques d’insertion par le travail en France et en Belgique, plus précisément en Ile-de-France et à Bruxelles. C’est un objet assez large, mais dans mon cas je m’intéresse à des dispositifs d’action publique qui visent des personnes dites « éloignées de l’emploi ». Ce sont des dispositifs qui ont pour but à la fois de leur proposer une expérience de travail pour une durée limitée et un accompagnement socio-professionnel.
Je travaille sur les professionnel·les qui mettent en œuvre ces politiques ainsi que sur le parcours des bénéficiaires qui y sont intégrés. Je m’intéresse aussi au cadre général en France et en Belgique de ces politiques, mais mon travail de terrain se fait vraiment au sein des structures d’insertion par le travail.
Est-ce que tu as déjà commencé à aller sur ton terrain ?
Je l’ai même terminé, si on peut le dire comme ça ! J’avais déjà fait une première phase exploratoire lors de mon mémoire. Puis en première année de thèse, j’ai effectué mon terrain d’enquête en France, et en deuxième année celui en Belgique. En ce moment je suis plongée dans les retranscriptions et l’analyse des entretiens. Je suis aussi en train d’essayer de relier ces résultats à un cadre sociologique plus général, même si j’avais déjà des hypothèses évidemment. C’est rassurant d’avoir pu récolter tous mes matériaux d’enquête, maintenant tout ne dépend plus que de moi, c’est différent lorsque l’on doit négocier l’accès au terrain en permanence.
Qu’est-ce qui t’as donné envie de faire de la recherche et pourquoi ce sujet ?
Initialement, je n’avais pas envisagé de faire de la recherche. Je ne connaissais pas vraiment le fonctionnement du doctorat. En revanche, j’avais envie d’avoir une activité de travail en lien avec la production de connaissances. Par exemple dans des institutions qui sont amenées à produire des rapports, ou bien du conseil dans le domaine des politiques publiques, mais pas simplement du lobbying, vraiment dans cette idée de produire des connaissances.
C’est mon directeur de thèse actuel, Patrick Hassenteufel, qui, lorsque j’ai voulu faire un stage, m’a proposé de faire un mémoire de recherche. C’est de cette manière que j’ai découvert l’activité de recherche. Et ça m’a beaucoup plu : à la fois j’apprenais constamment à travers mes lectures. Et puis, en même temps, j’étais sur mon terrain d’enquête et ça, ça a vraiment été décisif. L’un sans l’autre ne m’aurait pas fait prendre la décision de faire une thèse. C’était une enquête en immersion dans une structure associative qui luttait contre les violences faites aux femmes. J’étais au contact des professionnel·les et des bénéficiaires et j’ai pu faire des entretiens avec les deux. Là, j’ai compris que je voulais faire de la recherche qui intégrait les bénéficiaires de mesures de politiques publiques pour comprendre leur expérience de l’action publique. Et ça me plaisait de créer ce dialogue entre les deux niveaux : la décision qui est prise et la manière dont elle est reçue par les personnes qui en bénéficient.
Concernant le choix de mon sujet, j’étudiais les politiques de lutte contre les violences faites aux femmes à partir d’une structure en particulier, et le but était de comprendre le parcours institutionnel des femmes qui arrivaient dans cette structure. Et ce qui m’avait interpellé, c’est que la question de l’autonomie financière de ces femmes et les questions de précarité étaient assez redondantes dans leurs expériences des violences et dans leurs possibilités de sortir de ce type de situation.
Ça m’a amené à lire sur les politiques de l’emploi qui étaient mises en place et j’y ai trouvé une sorte de nouveau défi. Car si le taux de chômage est assez comparable entre les hommes et les femmes, la différence se fait plutôt sur les formes d’emplois désormais. Les inégalités résident dans la qualité de l’emploi, les trajectoires plus ou moins linéaires, etc. J’ai donc eu envie de m’intéresser à la manière dont les femmes étaient visées par ces politiques d’emploi et si la situation différenciée des femmes était prise en compte dans les programmes d’action publique.
Et puis finalement, il y a très peu d’informations sur l’opérationnalisation de ces dispositifs d’insertion par le travail, tant concernant les femmes que les hommes. Ce qui m’a vraiment marquée au début de mon terrain d’enquête, c’est le décalage entre des critiques scientifiques mais aussi politiques des dispositifs d’insertion dénonçant une « mise au travail » des bénéficiaires, et les propos de certains bénéficiaires qui accordaient une grande importance au fait d’intégrer le marché du travail… J’ai aussi rencontré des professionnel·les qui s’ « engageaient » et essayaient de négocier des marges de manœuvre avec le cadre des dispositifs. C’est ce qui me plaît dans la recherche finalement, le fait d’avoir un niveau plus fin d’analyse et de recueillir la parole des enquêté·es pour mieux comprendre leurs trajectoires et leurs représentations. Bien sûr, c’est un travail scientifique, mais je pense que le choix de cet objet était à la fois personnel et militant, c’est le fait de mettre à jour, de dévoiler la (re)production des inégalités sociales qui fait sens pour moi.