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« Le corps médico-légal. Les médecins légistes et leurs expertises » par Romain JUSTON

Discipline : Sociologie
Laboratoire : Professions, Institutions, Temporalités - PRINTEMPS

le 8 décembre 2016

JEUDI 8 DECEMBRE 2016 A 14H00
UNIVERSITE DE VERSAILLES SAINT-QUENTIN EN-YVELINES
SALLE DES THESES (2EME ETAGE)
BATIMENT D’ALEMBERT
5/7 BOULEVARD D’ALEMBERT
78280 GUYANCOURT

Résumé

Cette recherche porte sur les médecins légistes et les expertises qu’ils effectuent sur réquisitions du procureur. Ni collaborateurs occasionnels du juge, ni détenteurs d’un titre de spécialité spécifique, les médecins légistes constituent un corps professionnel à distance à la fois du modèle de l’expertise judiciaire et de celui des spécialités médicales. Ils exercent l’expertise médico-légale à titre principal dans des services hospitaliers dédiés, après avoir suivi un cursus dans une spécialité médicale allant de la médecine générale à l’anatomopathologie, en passant par la médecine du travail et la santé publique. La thèse explore la tension entre expertise judiciaire et spécialité médicale et l’analyse simultanément comme étant inscrite dans le processus de constitution du groupe professionnel des médecins légistes, et comme résidant au cœur d’activités de coproduction des vérités médicale et judiciaire sur les faits. Cette recherche repose sur la mise en place d’un dispositif d’enquête empirique associant des observations ethnographiques, des entretiens et un travail documentaire. Les différents sites étudiés (salles d’autopsies, cabinets médicaux, directions ministérielles, administrations déconcentrées, permanences-parquet, cours d’assises, congrès de médecine légale) sont constitutifs du dispositif médico-légal étudié selon deux plans distincts : le plan des protocoles qui, des ministères aux services, vise à organiser et cadrer les activités médico-légales ; celui des rapports d’expertise établis par les médecins légistes, qu’il s’est agi de suivre depuis les services de médecine légale jusqu’aux tribunaux. La première partie consiste à explorer le plan des protocoles, en étudiant notamment la genèse, l’élaboration et la mise en œuvre d’une réforme de la médecine légale. Elle montre que l’organisation des activités médico-légales a oscillé entre deux définitions de l’expertise médico-légale qui instituent respectivement une figure du médecin expert judiciaire et une figure du légiste spécialiste. La deuxième partie retrace les carrières de ceux qui s’engagent dans l’expertise médico-légale. Elle montre que les postures des médecins vis-à-vis de l’expertise médico-légale dépendent de la façon dont ils ajustent l’exercice de cette activité à leur formation médicale d’origine. Enfin, la troisième partie traite des pratiques des experts et des magistrats du parquet, au sein des organisations où les expertises médico-légales sont produites et utilisées, de l’hôpital au tribunal. Cette ethnographie de l’élaboration des preuves médico-légales révèle les tensions qui apparaissent dans le flux de l’activité du fait des différents cadres que les médecins associent dans leurs explorations des corps violentés. Cette approche mobile du dispositif médico-légal permet de soulever deux enjeux théoriques. D’abord, l’articulation entre le niveau micro des pratiques et le niveau méso des organisations conduit à renouveler l’approche par les segments professionnels. L’étude des processus de segmentation permet ici de déterminer si la médecine légale est une activité pilotée depuis la tutelle judiciaire qui finance et consomme des rapports d’expertise, ou si elle tend à devenir une discipline médicale autonome régulée comme une spécialité depuis l’hôpital. Le deuxième enjeu consiste à étudier les processus de socialisation au dispositif et les pratiques des experts de façon dynamique. En définitive, cette thèse propose d’analyser une pratique tendue entre différents cadres mobilisés en situation, tout en analysant certains déterminants sociaux du jugement médico-légal par l’exploration dynamique de trois échelles distinctes : l’organisation de la médecine légale, la socialisation des médecins légistes et l’activité des professionnels qui produisent et se saisissent des rapports médico-légaux.

Abstract

This research focuses on medical examiners and the reports they provide upon requisition from Public Prosecutors. Neither occasional collaborators of the judge, nor holders of a specific specialty title, forensic scientists and medical examiners form a professional body that is quite distant from both the judicial expert assessment model and the medical specialty model. They mainly practise the medico-legal expertise in dedicated hospital units, and have undergone a medical university curriculum, with medical specialties ranging from general medicine to anatomopathology, and from occupational medicine to public health. This thesis explores the tension between a judicial expert assessment and a medical specialty, and analyses this tension, simultaneously as being enshrined into the formation process of the occupational group, and as a driving force of the coproduction of medical and judicial truths about facts. The research builds on the implementation of an empirical investigation system, associating ethnographic observations, interviews, and documentation. The different locations that were analysed (autopsy rooms, doctors’ offices, Ministerial directions, decentralised administrations, Public Prosecutors’ committee rooms, congress) constitute a two-level analysis of the medico-legal apparatus: on one hand, the protocol level, where medico-legal activities are organised and supervised, from state-level administrations to local departments; on the other hand, the expert assessment level, where medical examiners were studied from medical examination rooms up to courts of law. The first chapter explores the protocol level, by studying, in particular, the genesis, elaboration and implementation of a forensic medicine reform. It highlights how the organisation of medico-legal activities has been oscillating between two definitions of a medico-legal expertise; these two definitions respectively establish the figure of a judicial expert doctor, and the figure of a forensic specialist. The second chapter focuses on the careers of those who embrace the medico-legal expertise field. It reveals how doctors’ positions on medico-legal expertise are reliant on the way they adjust the practising of this activity to their original medical education. Finally, the third chapter analyses the practices of experts and magistrates from the Public Prosecutor’s department, within the organisations where the medico-legal expert assessments are produced and used, from hospitals to courts of law. This ethnography of how medico-legal evidence is created underlines the tensions that come up within this activity stream, as doctors mix up different frameworks in the way they examine assaulted bodies. This mobile approach of the medico-legal apparatus allows the surfacing of two theoretical concerns. First, the logical hierarchy between the micro level of practises and the meso level of organisations leads to renew the approach for professional segments. Studying segmentation processes is a way of determining if forensic medicine is more driven towards being an activity that is piloted by the judicial administration supervision (which funds and consumes the expert assessments), or towards becoming an autonomous medical discipline with the same regulation mechanisms as a regular hospital specialty. This second concern leads to studying the socialization mechanism as well as the practises of experts in a dynamic way. Ultimately, this thesis proposes to analyse a practise that is stretched between different surroundings in concrete situations, while analysing specific social determining factors of the medico-legal assessment, by dynamically exploring three levels: the organisation of forensic medicine, the socialization of the experts, and the actual activity of the professionals that produce and seize medico-legal assessments.


Membres du jury

  • M. Laurent WILLEMEZ, Professeur des universités, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, FRANCE - CoDirecteur de these
  • M. Jérôme PéLISSE, Professeur des universités, Sciences Po, FRANCE - CoDirecteur de these
  • M. Nicolas DODIER, Directeur de recherche, EHESS et INSERM, FRANCE - Rapporteur
  • M. Michel CASTRA, Professeur des universités, Université Lille 3, FRANCE - Rapporteur
  • Mme Laurence DUMOULIN, Chargée de recherche, PACTE (CNRS), FRANCE - Examinateur
  • Mme Stéphanie LACOUR, Directrice de recherche, ISP (ENS Cachan), FRANCE - Examinateur